À l’heure où l’intelligence artificielle rebat les cartes de la puissance mondiale, l’Europe se confronte à un dilemme stratégique : comment faire du droit un levier d’innovation, plutôt qu’un frein ? Du rapport Letta au rapport Draghi, une même ambition émerge : transformer la complexité européenne en force.

Reprenant l’alerte lancée en 1999 par Lawrence Lessig avec son fameux « Code is Law » (dévoyé ensuite par les libertariens pour célèbrer le primat du code sur les règles démocratiques), le rapport de Digital New Deal souligne l’urgence d’éviter un basculement vers une IA dictant ses propres règles. De « Code is Law » à « AI is Law », il y a un pas que l’Europe ne peut franchir sans repolitiser le numérique et réaffirmer la primauté du droit.

Face à l’accumulation de normes souvent contestées, il devient essentiel de repolitiser le numérique. La thèse défendue dans ce rapport est claire : il n’y a pas à choisir entre régulation et innovation — c’est leur articulation stratégique qui fera l’IA européenne.

 

CODE IS LAW de Lawrence Lessig était un avertissement.
AI IS LAW doit être un sursaut.

TÉLÉCHARGEZ LE RAPPORT COMPLET : AI IS LAWTÉLÉCHARGEZ LA SYNTHÈSE : AI IS LAW

L’auteur, Simon Bernard, identifie trois conditions essentielles pour atteindre cet objectif :

  • La norme doit favoriser la scalabilite ;
  • La norme doit accélérer son acceptabilité ;
  • La norme doit être activable pour devenir un atout stratégique.

Son rapport se structure en trois temps :

  1. Il clarifie les règles spécifiques au numérique, parfois mal comprises, et les articule autour d’un cap commun : construire une IA éthique et sûre.
  2. Il élargit la réflexion aux règles générales du droit – civil, commercial, environnemental – qui peuvent elles aussi contribuer à une IA originale, entre tradition et rupture.
  3. Il propose une architecture politique et stratégique, alignée avec les ambitions portées par Letta et Draghi, pour transformer ce cadre juridique en instrument opérationnel de souveraineté européenne. AI is Law affirme ainsi que le droit codé et intelligible n’est pas un frein à l’innovation, mais un outil puissant de souveraineté, de compétitivité, et de passage à l’échelle dans l’ère de l’intelligence artificielle.

AI is Law affirme ainsi que le droit codé et intelligible n’est pas un frein à l’innovation, mais un outil puissant de souveraineté, de compétitivité, et de passage à l’échelle dans l’ère de l’intelligence artificielle.

RECOMMANDATION POUR ADAPTER L’ARCHITECTURE DU DROIT AUX BESOINS DE L’IA

Pourquoi ? Le droit doit devenir un levier de scalabilité de l’innovation : il protège, légitime et sécurise l’innovation.

Quoi ? L’architecture du droit doit être adaptée pour accompagner des technologies qui évoluent plus rapidement que la norme, sans perdre sa logique protectrice pour la société. Une architecture inspirée du modèle des couches informatiques peut être proposée (quand Kelsen rencontre Turing) :

  • Law as an Infrastructure (LaaI) : avec des libertés et droits fondamentaux inaltérables garantis par nature.
  • Law as a Platform (LaaP) : des textes juridiques codables (un « droit API »), en commençant par les textes relatifs aux données.
  • Law as a Service (LaaS) : un périmètre d’expérimentation dans un cadre flexible mais sécurisé, sur le modèle des « bacs à sable » réglementaires.

Comment ?

  • Recommandation n° 1 – Faire du code la 25ème langue de l’Union européenne de sorte à ce que tout nouveau texte puisse trouver une traduction en langage machine.
  • Recommandation n° 2 – Intégrer un texte de codage du droit aux omnibus en préparation, permettant au niveau européen le codage à court terme des textes principaux dédiés au numérique, dans la logique des travaux déjà commencés.
  • Recommandation n° 3 – Favoriser l’initiative du Legal Data Space qui rassemble déjà un grand nombre d’acteurs de la filière du droit. C’est-à-dire une infrastructure mutualisée pour le traitement et le partage des données juridiques publiques – open data- et privées – data spaces – dans le but de développer des IA juridiques souveraines, par et pour la filière du droit.

 

Promouvoir un droit lisible, harmonisé et souverain

Pourquoi ? Pour être un levier d’innovation, la règle de droit doit être prévisible, intelligible et actionnable.

Quoi ? Ajuster l’ensemble existant pour y apporter davantage de cohérence et d’ambition stratégique.

Comment ?

  • Recommandation n ° 4 – Simplifier, harmoniser, articuler et souverainiser en limitant à ces objectifs les prochaines modifications du cadre juridique.
  • Recommandation n° 5 – Évaluer l’efficacité des règles dédiées à l’IA à partir du triptyque : normalisation (la règle doit être un levier de scalabilité de l’innovation), acceptabilité (la règle doit faciliter l’acceptabilité de l’innovation), actionnabilité (la règle doit permettre aux acteurs de s’en prévaloir dans la conquête de marchés).