Data Act : quand l’Europe transforme la donnée en arme de souveraineté

3/09/2025

Le 12 septembre 2025, le Data Act entre en vigueur. Beaucoup y verront un règlement technique de plus, mais ce serait une erreur : c’est un tournant stratégique. Dans une économie façonnée par l’intelligence artificielle, les données sont devenues le carburant de la puissance. Comme les pays du Golfe au XXᵉ siècle avec le pétrole, l’Europe se retrouve assise sur un gisement décisif, celui des données de nos entreprises. Reste à savoir si elle saura l’exploiter.

 

La guerre des données est lancée

Washington protège ses géants du numérique, Pékin subventionne ses champions connectés. Les tensions commerciales le rappellent chaque jour : la véritable bataille est celle de la captation des données d’usage. Chaque objet connecté, chaque capteur industriel, chaque application alimente les IA américaines et chinoises, renforçant leur domination. L’Europe reste prisonnière de cette spirale.

 

Le Data Act, arsenal défensif et offensif

C’est précisément là que le Data Act change la donne. Les données générées par un produit ou un service connecté devront désormais être accessibles à l’utilisateur et transmissibles au tiers de son choix.

Une PME piégée par un contrat exclusif pourra développer ses propres modèles prédictifs ; un agriculteur confier ses données d’exploitation à un fournisseur européen ; une collectivité valoriser des capteurs installés par un prestataire étranger.

Ce texte n’est pas une conformité de plus : c’est un outil de souveraineté économique. Les fabricants et fournisseurs de cloud devront garantir la portabilité des données, des interfaces normalisées, des transferts rapides, et d’ici 2027 supprimer les frais de sortie. Comme le RGPD a protégé les citoyens, le Data Act protège désormais les entreprises.

 

Data Act, clé d’une IA européenne souveraine

Le Data Act fournit la matière première avec l’accès aux données des entreprises, et son règlement complémentaire le Data Governance Act offre l’infrastructure de coopération des Data Spaces (écosystèmes de confiance pour le partage de données par filière). Ensemble, ils ouvrent la voie à un écosystème d’innovation partagé. Mutualiser les données industrielles et publiques, les urbaniser, voilà le véritable modèle alternatif pour bâtir des modèles d’IA européens souverains.

 

Le droit, arme de l’Europe

Face à la dérégulation américaine et au dirigisme chinois, l’Europe mise sur une autre arme : le droit. Après le RGPD, le DMA et le DSA, puis le Data Governance Act, le Data Act s’ajoute comme un jalon essentiel. La norme n’est pas neutre, elle dessine le terrain de jeu et devient instrument de puissance.

Reste un défi, celui que nos entreprises s’en saisissent. Il leur faut cartographier leurs patrimoines de données, adapter leurs contrats, instaurer une accessibilité par défaut dès 2026 et préparer la portabilité multicloud sans frais d’ici 2027. Ce travail est loin d’être accessoire, il conditionne leur capacité à transformer une obligation réglementaire en avantage compétitif.

 

Le 12 septembre 2025 marque une étape décisive : l’Europe prouve qu’elle peut tracer sa propre voie. Mais un cadre juridique, aussi ambitieux soit-il, ne suffit pas. Aux entreprises et aux acteurs publics de s’en saisir comme d’une arme stratégique s’ils veulent peser dans la bataille mondiale de la donnée et, pour reprendre le vocabulaire militaire, « entrer en stratégie ».

Arno Pons, Digital New Deal(think-do-tank),

Simon Bernard, avocat fondateur de ModernLaw, auteur de « AI IS LAW »

ÉDITO

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