Dans beaucoup de discours, l’approche actuelle des données personnelles est principalement économique :

la production de valeur implique leur captation, leur appropriation. Les données, générées par chacun d’entre nous, sont exploitées collectivement par les grands acteurs du net qui leur donnent une valeur économique en les mettant en relation avec d’autres, en les hiérarchisant, en les traitant par des algorithmes, pour toutes sortes d’usages commerciaux. C’est en général cette dimension économique que l’on met en avant pour que le droit s’y adapte.

Cependant, peut-on simplement considérer les données personnelles, dont est issue cette valeur, comme des objets de propriété ?

Dans l’affirmative, à qui reviendrait cette propriété ? A celui dont elles sont issues et à qui elles restent attachées ou à ceux qui créent véritablement leur valeur en les exploitant ? Malgré la multiplicité des hypothèses de travail, l’approche matérialiste des données apparaît vite limitée par sa prise en compte insuffisante du droit des personnes au regard des risques encourus : discriminations à partir de l’analyse de nos données ; révélations de nos vies privées ; catégorisation de chacun d’entre nous pour proposer des produits et services différenciés, à des prix différents ; et, in fine, disparition de ce qui nous fait vivre ensemble si chacun est réduit au schéma-type que dessinent de lui ses données.

A notre sens, une régulation efficace de la protection des données doit passer par une approche personnaliste.

Les données doivent être considérées non pas comme des biens mais comme des émanations de l’individu. A ce titre, elles doivent bénéficier d’une protection qui rende chacun d’entre nous acteur de leur contrôle et maîtres de leur devenir. Un premier pas en ce sens pourrait être la reconnaissance, par notre Conseil constitutionnel, du droit au respect des données comme un droit fondamental à l’instar de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), ou encore de la Cour constitutionnelle allemande qui reconnaissent et consacrent l’« autonomie informationnelle » des individus.