MONOPOLE D'APPLE : LA GROGNE MONTE

03/02/2021

Arno Pons, délégué général de Digital New Deal, et Nicolas Brien, directeur général de France Digitale

[OPINION] Unique distributeur d’applications sur ses terminaux, Apple abuse de sa mainmise sur le marché mobile iOS. Les victimes ? Les éditeurs d’applications, contraints de se plier aux exigences de la plateforme, et les consommateurs, dont la liberté de choix semble en pâtir.

La situation sanitaire nous fait vivre une période inédite. Le gouvernement, en réaction à la contagion du virus, a dû restreindre la « liberté de commercer ». Face à cette situation sans précédent, de nombreuses voix se sont élevées pour manifester leur incompréhension, voire leur désarroi ; il est vrai que ce choix politico-sanitaire n’était pas anodin. Imaginez maintenant que ce soit, non pas un gouvernement au nom de l’intérêt général, mais un opérateur privé, de surcroît étranger, qui obstrue de la même façon « la liberté de commercer », sans autre justification valable cette fois-ci que ses intérêts économiques. Une telle situation ne devrait-elle pas susciter un vent de révolte?

Cette situation, nous la vivons depuis douze ans et la création par Apple de son magasin d’applications « App Store ». En octobre dernier, après seize mois d’enquêtes et un rapport de plus de 400 pages, le sous-comité antitrust de la Chambre des représentants américaine a précisément décrit le monopole d’Apple sur le marché des applications iOS. Selon les parlementaires américains, la firme empêche notamment l’émergence d’une quelconque concurrence grâce à la double maîtrise de son système d’exploitation iOS et de son magasin App Store.

Un droit de vie ou de mort sur les applications proposées par les développeurs

La crise sanitaire est sans aucun doute un révélateur de la domination de certaines entreprises sur des pans entiers de l’économie française. Nos représentants politiques se sont par exemple émus de la mainmise de la société de commerce en ligne américaine Amazon sur notre e-commerce, elle qui dispose aujourd’hui de 20% part de marché en France. Part qui semble bien faible si on la compare à notre totale dépendance aux systèmes d’exploitation étrangers, dominés par le duopole Androïd (Google) et iOS (Apple). Avec une particularité pour Apple en tant qu’exclusif distributeur d’applications pour ses terminaux mobiles iPhone, iPad et iWatch. Pour espérer voir son application distribuée sur l’App Store, un développeur n’a d’autre alternative que se soumettre à l’ensemble des règles édictées par la géant californien.

Parmi toutes ces règles imposées, certaines posent problème tant Apple est à la fois juge et partie ; entre autres, c’est elle qui décide si une application proposée par un développeur est conforme au droit de la propriété intellectuelle, autrement dit elle se réserve le droit de l’accepter ou non au titre de son bon vouloir. Jugement à fluctuation variable donc, notamment lorsqu’on s’aperçoit qu’Apple est parfois maître dans l’art de « sherlocker » des applications distribuées sur son magasin d’applications, c’est-à-dire de s’inspirer généreusement de certaines fonctionnalités pour développer ses propres services.

Les éditeurs, otages d’une politique de prix qu’ils ne peuvent refuser

Une chose est sûre, Steve Jobs était un entrepreneur génial. Son business model qui a accompagné la création du premier magasin d’applications en 2008 reposait sur une double rentabilité machiavélique. Il permettait, d’une part, d’externaliser la R&D en déléguant les coûts de développement des applications à des tiers, les développeurs indépendants, et d’autre part, d’internaliser les revenus en imposant une commission à ces mêmes développeurs qui souhaitaient proposer leur application sur l’App Store.

Ce faisant, la mécanique de la règle édictée par le constructeur sur les achats intégrés, et notamment la fameuse commission de 30% prélevée sur le prix des applications et également sur les services par abonnement, constituait dès sa conception une distorsion de concurrence. L’admiration a alors laissé petit à petit place à la grogne. Ce principe est de moins en moins toléré par la communauté des développeurs. Et n’oublions pas que derrière les mots « développeurs » et « applications » se trouvent bien souvent des entrepreneurs à la tête de petites entreprises, TPE, PME. Pour elles, le déploiement de leur activité commerciale sur mobile via une application n’est pas une option, mais constitue bien une nécessité pour répondre aux usages de ses clients et prospects.

La colère monte

En France comme à l’étranger, Apple est désormais le symbole de nombreuses controverses. À commencer bien sûr par le volet de l’évasion fiscale qui, malgré de lourdes condamnations, ne semble pas pour autant faire infléchir l’entreprise qui a décidé de répercuter la taxe GAFA sur ses prestataires en leur interdisant de le répercuter sur les consommateurs.

Rappelons également qu’en juin dernier, soupçonnant des pratiques anticoncurrentielles, la Commission européenne a ouvert deux enquêtes sur son système de paiement Apple Pay et sa boutique en ligne App Store. De même, en octobre dernier une plainte pour abus de position dominante a été déposée par l’IAB France, MMAF, SRI, et l’UDECAM contre la volonté d’Apple de supprimer les identifiants ne permettant plus aux annonceurs de réaliser des publicités ciblées et récupérant de facto le monopole publicitaire sur ses smartphones.

En septembre, c’était Epic Games, Spotify ou encore Deezer qui rejoignaient une coalition appelée « for App Fairness » pour dénoncer collectivement les pratiques déloyales d’Apple.

Enfin, en novembre c’est le député français Pierre-Alain Raphan qui déposait une proposition de loi pour l’ouverture du NFC des iPhone afin d’éviter une captation les données d’achat de tous les Français et de tous les commerçants du pays à leur seul profit.

*

Les plaintes pleuvent donc, les enquêtes aussi : va-t-on accepter plus longtemps qu’Apple verrouille le marché et s’autorégule ? Profitons du très attendu Digital Market Act pour prendre notre destin en main. Nous lançons ici, collectivement, une alerte aux régulateurs : il est grand temps que ces géants technologiques cessent de s’extraire du droit commun et se permettent impunément d’entraver notre capacité d’entreprendre.

Source : https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/liberte-de-commercer-apple-pire-que-la-covid-876202.html

ÉDITO

LE NUMÉRIQUE AU SERVICE D’UN FUTUR DURABLE

« La “maison brûle”, ne laissons pas le thermomètre entre quelques mains… » Afin d’atteindre les Objectifs de Développement Durable, le think-tank Digital New Deal publie un nouveau rapport proposant que les données ESG, privatisées par 6 grandes compagnies américaines de notations, soient accessibles à tous via un commun numérique.

Lire la suite


L’Open Source, chance unique de créer une IA de confiance européenne

L’avenir de la France se dessine aussi dans les lignes de code et les algorithmes. Face à la domination des géants américains et chinois en matière d’intelligence artificielle (IA), l’Europe, et la France en particulier, a une carte cruciale à jouer. Il est temps pour la France de prendre les devants et de se doter d’une IA de confiance pour renforcer sa souveraineté numérique et soutenir ses acteurs nationaux.

Lire la suite


Définir les normes, pas les subir.

Certains acteurs politiques et industriels critiquent la normalisation, allant pour les Britanniques jusqu’à justifier du Brexit du fait des contraintes normatives Européennes et du besoin de souveraineté. C’est oublier un peu rapidement que la normalisation est d’une part essentielle à la construction de la confiance et aux échanges économiques dans les pays modernes, et d’autre part que la normalisation est le résultat d’un consensus auquel chaque acteur peut contribuer. De fait, la normalisation n’est pas un objet éthéré qui tombe du ciel, mais le résultat d’un processus ouvert à toutes les organisations.

Lire la suite


La souveraineté numérique n’existe pas

La crise sanitaire que nous traversons aura eu le mérite de faire émerger des solutions, des talents, qui ont pu exprimer leur potentiel lors de ces circonstances exceptionnelles.

Lire la suite


POINT DE CLOUD SOUVERAIN SANS DATA DE CONFIANCE

La crise sanitaire que nous traversons aura eu le mérite de faire émerger des solutions, des talents, qui ont pu exprimer leur potentiel lors de ces circonstances exceptionnelles.

Lire la suite


Pour une IA des Lumières européenne

L’Intelligence Artificielle (IA) est au cœur des préoccupations et des fantasmes, sa simple définition constitue un défi en soi. Il est donc crucial que nous puissions y contribuer, afin de pouvoir offrir au monde une vision européenne, c’est-à-dire humaniste

Lire la suite


RGPD, quatre ans après, enfin l’acte II

A mesure que se développent les outils numériques, l’ampleur de la collecte et du traitement des données personnelles ne cesse d’augmenter. Chez certains, cela a nourri des craintes d’intrusion dans la vie privée, par les États ou des acteurs privés, mais aussi de discrimination, de surveillance ou de manipulation. La réponse réglementaire européenne, le Règlement Général pour la Protection des Données (RGPD), visant à garantir tant la protection des données que leur libre circulation, a été globalement considérée comme salutaire dans le monde entier.

Lire la suite


SERVICE PUBLIC AUGMENTÉ, BÉNÉFICE COLLATÉRAL DU COVID

La crise sanitaire que nous traversons aura eu le mérite de faire émerger des solutions, des talents, qui ont pu exprimer leur potentiel lors de ces circonstances exceptionnelles. Comme en temps de guerre, des héros du quotidien issus de la société civile ont fait la fierté de nos concitoyens. Des infirmières que l’on applaudit, des caissières que l’on remercie, mais aussi… des geeks que l’on gratifie. En faisant chevalier de l’ordre national du Mérite le jeune Guillaume Rozier pour la création CovidTracker et Vitemadose, l’Etat prend acte de sa mue en institutionnalisant la participation des citoyens à la défense de l’intérêt général dont il n’a plus le monopole.

Lire la suite


« Cloud de confiance » : cuisine et dépendance

Les annonces gouvernementales en début d'année sur le « Cloud souverain » semblaient pourtant frappées du bon sens, et ont été d'ailleurs globalement bien accueillies. À un détail près peut-être, mais pas des moindres : la question des licences aux GAFAM. Beaucoup en effet considèrent que c'était ouvrir la porte en grand aux Big techs dont ils étaient supposés nous protéger. Les fervents défenseurs de notre indépendance technologique, économique et géopolitique, dont notre think-tank Digital New Deal fait partie, sont en droit de s'interroger.

Lire la suite


Plateformes numériques : encore un effort pour être responsables !

Le président Trump chassé du réseau. La petite Mila pourchassée sur la toile. « La naissance du monde », célèbre toile de Courbet, interdite ! Chaque jour son lot de nouvelles étonnantes ou révoltantes qui montrent qu’il y a « quelque chose de pourri au royaume » des plateformes.

Lire la suite


Pour un Education Data Hub au service de l’ouverture des données éducatives

Unique distributeur d’applications sur ses terminaux, Apple abuse de sa mainmise sur le marché mobile iOS. Les victimes ? Les éditeurs d’applications, contraints de se plier aux exigences de la plateforme, et les consommateurs, dont la liberté de choix semble en pâtir.

Lire la suite


« 1 JEUNE 1 PME » : L’EMPLOI DES JEUNES POUR ACCELERER LA TRANSITION NUMERIQUE DES TPE-PME FRANCAISES

L’instauration d’une dynamique nouvelle entre les filières du numérique de l’enseignement supérieur et les TPE-PME pourrait contribuer positivement à la transition numérique des entreprises, en même temps qu’à l’emploi des jeunes.

Lire la suite


UNE GOUVERNANCE POUR LA CIRCULATION DES DONNEES PERSONNELLES

L'article 20 du Règlement général sur la protection des données, qui consacre un droit à la portabilité des données, constitue une des clés pour mettre sur pied une architecture de circulation des données personnelles plus vertueuse que celle qu'ont mise en place les Big Tech.

Lire la suite


DATA : LA SEPARATION DES POUVOIRS POUR CONTRER LA MONARCHIE DES GAFAM

Notre dernière publication propose un modèle concret de partage des données personnelles, centré sur l’individu, offrant ainsi un modus operandi commun aux entreprises et collectivités afin qu’elles coopèrent et innovent.

Lire la suite


QUEL NOUVEAU SOUFFLE POUR L’ETAT PLATEFORME ?

Le besoin d’État s’accompagne d’une demande de transformation des moyens de l’action publique pour en assurer la réactivité, la résilience et la proximité avec les citoyens et les territoires.

Lire la suite


NUMERIQUE EDUCATIF : ET APRES ?

La crise du Covid-19 a mis la résilience du système éducatif scolaire à rude épreuve, notamment pendant la période de confinement. En effet, l’impératif de continuité pédagogique du confinement a conduit à une expérience “grandeur nature” du numérique éducatif dans le milieu scolaire.

Lire la suite


BIG TECH : L’HEURE EST A LA RESPONSABILITE

Alors qu’Internet est devenu l’espace central de la circulation de l’information, il devient crucial d’imposer aux géants du numérique, principaux acteurs d’échanges, un régime de responsabilité à la hauteur de l’influence qu’ils détiennent.

Lire la suite


DEFENDRE NOTRE EXCEPTION EDUCATIVE A L’ERE NUMERIQUE

L’impact systémique du numérique sur la société doit pousser l’Education nationale à sortir de son immobilité, à amorcer une mutabilité pérenne de l’institution scolaire.

Lire la suite


BIG TECH : L’HEURE EST A LA REGULATION PAR LA MULTITUDE

Face à la concentration inédite du pouvoir sur Internet dans les mains d’un petit nombre d’entreprises identifiées, quelle est la nature du contre-pouvoir à adopter ?

Lire la suite


SORTONS DE NOTRE PARALYSIE EN DEMYSTIFIANT LES GEANTS DU NET !

La dépendance à deux systèmes d’exploitation (OS), MS/DOS Windows et Unix/Linux constitue la racine commune des difficultés et effets secondaires négatifs de notre développement technologique actuel.

Lire la suite


L’ADMINISTRATION, LA NOUVELLE AVENTURE ENTREPRENEURIALE ?

Aujourd’hui, l’innovation technologique profite majoritairement aux intérêts privés, et les innovations sociales – aussi prometteuses soient elles – peinent à atteindre une envergure à la hauteur des enjeux de société.

Lire la suite