POINT DE CLOUD SOUVERAIN SANS DATA DE CONFIANCE

10/10/2022

Arno Pons – Délégué général la Fondation Digital New Deal
Arno Pons – Délégué général Fondation Digital New Deal

L’écosystème de la souveraineté numérique peut se réjouir des annonces faites par les Ministres Bruno Le Maire et Jean-Noël Barrot le 12 septembre à Strasbourg. Le Gouvernement ploie sa définition de « Cloud de confiance » pour qu’elle ne soit plus empruntée uniquement sur son flanc défensif (en se contentant d’encadrer et sécuriser juridiquement nos dépendances avec les hyperscalers), mais bien prioritairement sur son flanc offensif en soutenant pleinement nos offres souveraines dans leur conquête de marché. L’État se dote également pour cela d’un « Comité stratégique de filière sur le numérique de confiance » présidé par Michel Paulin (OVH), pour lequel notre think-tank fait de nouvelles propositions dans le livre blanc « Data de confiance : le partage des données, clé de notre autonomie stratégique » que nous publions aujourd’hui. Après nos publications « Cloud de confiance » puis « IA de confiance », nous tenions à dédier un position paper « Data de confiance » consacré aux enjeux des data spaces (programme européen doté de 10 milliards d’euros, pour une taille de marché estimé par la Commission à 530 Milliards par an).


Une stratégie Cloud seule ne suffit pas à faire une stratégie Data
Notre conviction c’est que le numérique de confiance est composé de trois piliers « Cloud, Data et IA » auxquels s’ajoute bien évidemment la cybersécurité qui vient protéger cet écosystème de confiance. Nous alertons dans cette note sur le fait que la Data reste la grande oubliée de notre stratégie de souveraineté numérique, trop souvent résumée à la stratégie Cloud. La « Data Strategy » européenne voulue par Thierry Breton, qui se traduit dans la régulation à venir (Data Gouvernance Act et Data Act) et dans la stratégie opérationnelle menée par Gaia-X, ne concerne pas que le Cloud. La bataille des data spaces (mutualisation et partage des données par filière) sur laquelle les Allemands courent seuls en tête par un manque de mobilisation de notre part au sein de Gaia-X, risque d’être le maillon faible du numérique de confiance si nous restons trop focalisés sur la seule question du cloud souverain. Or, il est a priori plus simple de régler les problèmes de gouvernance du partage des données que de combler notre retard commercial face aux hyperscalers (AWS, Azure, GoogleCloud,…).
Notre conviction c’est que la France doit se doter d’une véritable « stratégie nationale de la donnée de confiance » au même titre que celles financées sur le Cloud et l’IA (Grand Défi IA – France 2030). Le « Comité stratégique de filière sur le numérique de confiance » ayant vocation selon nous à coordonner ces 3 stratégies complémentaires et à accompagner « l’InfraTech » que nous détaillons dans notre livre blanc, c’est-à-dire une infrastructure logicielle souveraine, fédérée et décentralisée, à même de répondre concrètement aux objectifs affichés de coopération par ce comité.

Sécuriser la start-up nation en devenant aussi une infrastructure nation
Cette Infratech est cardinale, elle est à la fois une condition sine qua non pour l’IA de confiance ; un levier pour la French Tech ; et un cheval de Troie face aux Big Tech pour nos clouder nationaux.

Condition sine qua non d’abord, car évidemment le défi de l’IA de confiance sera grandement facilité dans les cas d’usage qui seront basés sur de la data de confiance. Également un levier de scalabilité pour la French Tech et l’industrie européenne. Car sans cet investissement d’infrastructure, le financement des start-up continuera de ressembler à « jeter l’argent dans le sable » pour reprendre l’expression de Bruno Le Maire. En effet, pour que la start-up nation ne devienne un mirage, la France doit aussi devenir une infrastructure nation. Cette plateforme logicielle intermédiaire entre le cloud et les applications métier, basée sur un large écosystème d’acteurs composé en particulier de startup, permettra à la French Tech de passer à l’échelle. En mutualisant les efforts de développement via des communs numériques open source gouvernés et enrichis par cette « multitude » d’acteurs, elle abaissera de facto les barrières à l’entrée d’un marché trusté par les géants américains.

Pour finir, l’infratech est un cheval de Troie, car cette offre logicielle souveraine packagée bout en bout pourrait être proposée par les cloud français, permettant ainsi de contrer les offres liées des hyperscalers qui verrouillent leurs clients dans un écosystème fermé et opaque (allant jusqu’à appliquer une logique de freemium pour empêcher l’émergence de la concurrence). Cette couche d’interopérabilité et de mutualisation des données permettrait une horizontalisation des échanges et donc une collectivisation de la valeur, évitant ainsi une captation et un silotage dans des systèmes propriétaires dont les entreprises clientes ne peuvent facilement ni sortir (complexe et coûteux), ni même mixer avec des services concurrents.

Créer un Infratech comme socle de confiance face aux Big Tech
Pour la France, l’enjeu est donc de définir une “stratégie française de la donnée” s’inscrivant dans la Data Strategy européenne pour que la data ne devienne le chaînon manquant de l’écosystème numérique de confiance. Pour cela l’État devrait donc selon nous orchestrer l’émergence de cette InfraTech du partage de données, basée sur des Communs Numériques, afin de construire une infrastructure commune transversale permettant de diminuer le coût de financement des data spaces métier. Et ce faisant, offrir dans le cadre de Gaia-X le socle technique et politique pour une troisième voie numérique européenne.
Ne nous y trompons pas. Soit, nous réussissons à investir dans une infratech qui répond à notre vision singulière de l’autonomie stratégique, soit nous dépendrons d’une infrastructure basée sur des solutions fournies par les hyperscalers. Si nous voulons que le « Health Data Hub » reste une exception et non pas la règle, si nous refusons que demain par exemple les données d’éducation ne s’exposent aux mêmes risques que les données de santé, alors nous devons agir. La souveraineté numérique est à ce prix-là.

Arno Pons, think-tank Digital New Deal,

Article disponible sur le site de La Tribune : https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/point-de-cloud-souverain-sans-data-de-confiance-933015.html

ÉDITO

LE NUMÉRIQUE AU SERVICE D’UN FUTUR DURABLE

« La “maison brûle”, ne laissons pas le thermomètre entre quelques mains… » Afin d’atteindre les Objectifs de Développement Durable, le think-tank Digital New Deal publie un nouveau rapport proposant que les données ESG, privatisées par 6 grandes compagnies américaines de notations, soient accessibles à tous via un commun numérique.

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L’Open Source, chance unique de créer une IA de confiance européenne

L’avenir de la France se dessine aussi dans les lignes de code et les algorithmes. Face à la domination des géants américains et chinois en matière d’intelligence artificielle (IA), l’Europe, et la France en particulier, a une carte cruciale à jouer. Il est temps pour la France de prendre les devants et de se doter d’une IA de confiance pour renforcer sa souveraineté numérique et soutenir ses acteurs nationaux.

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Définir les normes, pas les subir.

Certains acteurs politiques et industriels critiquent la normalisation, allant pour les Britanniques jusqu’à justifier du Brexit du fait des contraintes normatives Européennes et du besoin de souveraineté. C’est oublier un peu rapidement que la normalisation est d’une part essentielle à la construction de la confiance et aux échanges économiques dans les pays modernes, et d’autre part que la normalisation est le résultat d’un consensus auquel chaque acteur peut contribuer. De fait, la normalisation n’est pas un objet éthéré qui tombe du ciel, mais le résultat d’un processus ouvert à toutes les organisations.

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La souveraineté numérique n’existe pas

La crise sanitaire que nous traversons aura eu le mérite de faire émerger des solutions, des talents, qui ont pu exprimer leur potentiel lors de ces circonstances exceptionnelles.

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Pour une IA des Lumières européenne

L’Intelligence Artificielle (IA) est au cœur des préoccupations et des fantasmes, sa simple définition constitue un défi en soi. Il est donc crucial que nous puissions y contribuer, afin de pouvoir offrir au monde une vision européenne, c’est-à-dire humaniste

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RGPD, quatre ans après, enfin l’acte II

A mesure que se développent les outils numériques, l’ampleur de la collecte et du traitement des données personnelles ne cesse d’augmenter. Chez certains, cela a nourri des craintes d’intrusion dans la vie privée, par les États ou des acteurs privés, mais aussi de discrimination, de surveillance ou de manipulation. La réponse réglementaire européenne, le Règlement Général pour la Protection des Données (RGPD), visant à garantir tant la protection des données que leur libre circulation, a été globalement considérée comme salutaire dans le monde entier.

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SERVICE PUBLIC AUGMENTÉ, BÉNÉFICE COLLATÉRAL DU COVID

La crise sanitaire que nous traversons aura eu le mérite de faire émerger des solutions, des talents, qui ont pu exprimer leur potentiel lors de ces circonstances exceptionnelles. Comme en temps de guerre, des héros du quotidien issus de la société civile ont fait la fierté de nos concitoyens. Des infirmières que l’on applaudit, des caissières que l’on remercie, mais aussi… des geeks que l’on gratifie. En faisant chevalier de l’ordre national du Mérite le jeune Guillaume Rozier pour la création CovidTracker et Vitemadose, l’Etat prend acte de sa mue en institutionnalisant la participation des citoyens à la défense de l’intérêt général dont il n’a plus le monopole.

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« Cloud de confiance » : cuisine et dépendance

Les annonces gouvernementales en début d'année sur le « Cloud souverain » semblaient pourtant frappées du bon sens, et ont été d'ailleurs globalement bien accueillies. À un détail près peut-être, mais pas des moindres : la question des licences aux GAFAM. Beaucoup en effet considèrent que c'était ouvrir la porte en grand aux Big techs dont ils étaient supposés nous protéger. Les fervents défenseurs de notre indépendance technologique, économique et géopolitique, dont notre think-tank Digital New Deal fait partie, sont en droit de s'interroger.

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Plateformes numériques : encore un effort pour être responsables !

Le président Trump chassé du réseau. La petite Mila pourchassée sur la toile. « La naissance du monde », célèbre toile de Courbet, interdite ! Chaque jour son lot de nouvelles étonnantes ou révoltantes qui montrent qu’il y a « quelque chose de pourri au royaume » des plateformes.

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Pour un Education Data Hub au service de l’ouverture des données éducatives

Unique distributeur d’applications sur ses terminaux, Apple abuse de sa mainmise sur le marché mobile iOS. Les victimes ? Les éditeurs d’applications, contraints de se plier aux exigences de la plateforme, et les consommateurs, dont la liberté de choix semble en pâtir.

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Monopole de l’Apple Store : la grogne monte

Unique distributeur d’applications sur ses terminaux, Apple abuse de sa mainmise sur le marché mobile iOS. Les victimes ? Les éditeurs d’applications, contraints de se plier aux exigences de la plateforme, et les consommateurs, dont la liberté de choix semble en pâtir.

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« 1 JEUNE 1 PME » : L’EMPLOI DES JEUNES POUR ACCELERER LA TRANSITION NUMERIQUE DES TPE-PME FRANCAISES

L’instauration d’une dynamique nouvelle entre les filières du numérique de l’enseignement supérieur et les TPE-PME pourrait contribuer positivement à la transition numérique des entreprises, en même temps qu’à l’emploi des jeunes.

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UNE GOUVERNANCE POUR LA CIRCULATION DES DONNEES PERSONNELLES

L'article 20 du Règlement général sur la protection des données, qui consacre un droit à la portabilité des données, constitue une des clés pour mettre sur pied une architecture de circulation des données personnelles plus vertueuse que celle qu'ont mise en place les Big Tech.

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DATA : LA SEPARATION DES POUVOIRS POUR CONTRER LA MONARCHIE DES GAFAM

Notre dernière publication propose un modèle concret de partage des données personnelles, centré sur l’individu, offrant ainsi un modus operandi commun aux entreprises et collectivités afin qu’elles coopèrent et innovent.

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QUEL NOUVEAU SOUFFLE POUR L’ETAT PLATEFORME ?

Le besoin d’État s’accompagne d’une demande de transformation des moyens de l’action publique pour en assurer la réactivité, la résilience et la proximité avec les citoyens et les territoires.

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NUMERIQUE EDUCATIF : ET APRES ?

La crise du Covid-19 a mis la résilience du système éducatif scolaire à rude épreuve, notamment pendant la période de confinement. En effet, l’impératif de continuité pédagogique du confinement a conduit à une expérience “grandeur nature” du numérique éducatif dans le milieu scolaire.

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BIG TECH : L’HEURE EST A LA RESPONSABILITE

Alors qu’Internet est devenu l’espace central de la circulation de l’information, il devient crucial d’imposer aux géants du numérique, principaux acteurs d’échanges, un régime de responsabilité à la hauteur de l’influence qu’ils détiennent.

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DEFENDRE NOTRE EXCEPTION EDUCATIVE A L’ERE NUMERIQUE

L’impact systémique du numérique sur la société doit pousser l’Education nationale à sortir de son immobilité, à amorcer une mutabilité pérenne de l’institution scolaire.

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BIG TECH : L’HEURE EST A LA REGULATION PAR LA MULTITUDE

Face à la concentration inédite du pouvoir sur Internet dans les mains d’un petit nombre d’entreprises identifiées, quelle est la nature du contre-pouvoir à adopter ?

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SORTONS DE NOTRE PARALYSIE EN DEMYSTIFIANT LES GEANTS DU NET !

La dépendance à deux systèmes d’exploitation (OS), MS/DOS Windows et Unix/Linux constitue la racine commune des difficultés et effets secondaires négatifs de notre développement technologique actuel.

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L’ADMINISTRATION, LA NOUVELLE AVENTURE ENTREPRENEURIALE ?

Aujourd’hui, l’innovation technologique profite majoritairement aux intérêts privés, et les innovations sociales – aussi prometteuses soient elles – peinent à atteindre une envergure à la hauteur des enjeux de société.

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