Plateformes numériques : encore un effort pour être responsables !

25/06/2020

Gilles Le Chatelier
Gilles Le Chatelier – avocat
Denis Olivennes - Président groupe CMI France - Auteur, haut fonctionnaire, président groupe CMI France
 Denis Olivennes (dirigeant de presse)

Le président Trump chassé du réseau. La petite Mila pourchassée sur la toile. « La naissance du monde », célèbre toile de Courbet, interdite ! Chaque jour son lot de nouvelles étonnantes ou révoltantes qui montrent qu’il y a « quelque chose de pourri au royaume » des plateformes. A l’abri de l’anonymat tout paraît permis. Les lois proscrivant les contenus inacceptables sont bafouées. Les plateformes font la police selon leurs propres règles qui peuvent menacer la liberté.

 

Réglementer n’est pas facile. Accueillant des milliards d’utilisateurs, les plateformes sont devenues en quelque sorte des « facilités essentielles » de la démocratie en même temps qu’une menace sérieuse pour elle. Il faut donc à la fois protéger la liberté d’expression qui est sacrée et empêcher la libre circulation des contenus nuisibles. C’est possible et c’est, désormais, urgent.

C’est l’objet de la note que nous publions aujourd’hui pour le think-tank Digital New Deal.

Les initiatives prises jusqu’à ce jour ont été décevantes : en témoignent les déboires de la Loi Avia. Surtout, une réponse nationale est insuffisante. L’échelle européenne est indispensable. Or son cadre actuel (directive du 8 juin 2000) est complètement dépassé. Reposant sur le double principe de l’irresponsabilité des hébergeurs et de l’absence d’obligation générale de surveillance, elle empêche toute régulation efficace des plateformes.

La Commission européenne a déposé un projet de règlement en décembre 2020 : le « Digital Service Act ». Il contient des éléments positifs : les très grandes plateformes seraient soumises à des obligations renforcées ; les mécanismes d’injonction à l’égard des hébergeurs plus efficaces ; des dispositifs de contrôle des décisions de retrait de contenus ou d’accès mis en place ; des audits systémiques des très grandes plateformes, notamment sur l’utilisation des algorithmes, engagés… Cette initiative doit d’autant plus être soutenue que l’accord de l’ensemble des Etats-membres requis pour qu’elle soit adoptée est loin d’être acquis.

Mais elle ne suffit pas. Il faut à la fois plus de responsabilité des plateformes et plus de garantie pour les libertés.

La responsabilité des hébergeurs n’est engagée que s’ils n’ont pas réagi « promptement » alors qu’un contenu illicite a été diffusé. Nous pensons qu’il faut préciser ce « promptement » et imposer des délais très courts pour certaines infractions limitativement énumérées et pour les très grandes plateformes, de même que lorsque « l’émetteur » dispose d’une très forte audience.

Les hébergeurs ont les moyens de contrôler effectivement les contenus, via les algorithmes et les équipes de modération. Nous estimons qu’un certain degré d’obligation de surveillance doit être retenu : les plateformes doivent avoir l’obligation de surveiller les « récidivistes » d’infractions ou les comptes à très forte audience.

Il nous apparaît qu’un principe protecteur des libertés doit s’imposer : seuls les contenus contraires à la loi nationale ou européenne doivent motiver des décisions de retrait, lesquelles ne peuvent être fondées sur la méconnaissance des conditions générales de l’hébergeur et de ses politiques internes. Ce n’est pas l’idée que se font, par exemple, Face Book ou Twitter de la décence, de l’offense ou du blasphème qui doivent s’imposer mais les infractions déterminées par la loi et elles seulement. Corolaire : les décisions de retrait doivent être encadrées et soumises à des obligations de contrôle juridictionnel rapides et efficaces. Il doit en être de même du contrôle des mesures par lesquelles les hébergeurs sans supprimer un contenu, aboutissent à le rendre invisible du plus grand nombre. Enfin, certains éditeurs de contenus – médias, associations, partis … – doivent bénéficier d’une protection spécifique contre des mesures de retrait qui pourraient avoir un effet grave sur le fonctionnement de la démocratie.

En dernier lieu, la question de l’anonymat est la grande absente de la proposition de la Commission. Elle conditionne pourtant l’effectivité de la sanction. Nous pensons que la règle de l’anonymat doit demeurer vis-à-vis des tiers, pour protéger notamment les lanceurs d’alerte. Mais en revanche, le bénéficiaire d’un service doit faire la preuve de son identité à l’hébergeur lors de l’ouverture du service afin qu’il puisse être retrouvé par le juge.

Une obligation de surveillance limitée mais effective. Une obligation de réaction rapide dans certaines circonstances. La censure seulement pour des contenus illicites et sous le contrôle du juge. L’obligation de s’identifier auprès de la plateforme. Voilà les conditions selon nous d’une régulation effective mais raisonnable qui permette de mettre les plateformes à l’heure de l’Etat de Droit. Un beau projet pour la France qui présidera l’Union dans quelques mois.

ÉDITO

LE NUMÉRIQUE AU SERVICE D’UN FUTUR DURABLE

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RGPD, quatre ans après, enfin l’acte II

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SERVICE PUBLIC AUGMENTÉ, BÉNÉFICE COLLATÉRAL DU COVID

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